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Réponse de l’Ilec au ministre de l’Économie sur la révision des tarifs des fournisseurs

27/04/2023

Sous la signature de Richard Panquiault, l’Ilec rappelle l’existence de clauses de révision et de renégociation dans les contrats et demande audience à Bruno Le Maire et Olivia Grégoire pour lui exposer la diversité de situation des entreprises de marque sur le marché français des PGC, au regard des « baisses de coûts » alléguées par la distribution et ses relais pour mettre en question sans discernement l’ensemble des accords signés le 1er mars.

« Monsieur le Ministre, Madame la Ministre,

Je me permets de vous écrire à la suite de votre courrier du 4 avril et des prolongements médiatiques que vous lui avez donnés, afin de solliciter une réunion pour apporter des éléments de réponse à votre demande aux grands industriels de « renégociations infra-annuelles » et évoquer avec vous la santé économique des adhérents de l’Ilec

L’Ilec représente 99 fabricants de produits de marques de grande consommation (alimentaire, hygiène-beauté, piles, jouets, articles de bureau, électroménager). Ces entreprises innovantes et engagées sont pionnières dans la décarbonation et la circularité des emballages. Elles opèrent 500 sites industriels en grande majorité dans les territoires ruraux, gèrent plus de mille marques représentant 60 % du chariot moyen et emploient directement 130 000 salariés. Un agriculteur sur deux leur vend leur production et 66 millions de leurs produits sont achetés chaque jour par nos concitoyens.

Bien évidemment, chacune des entreprises adhérentes de notre association est libre de renégocier les accords annuels qui viennent tout juste d’être conclus, sous réserve qu’elles le fassent hors de toute contrainte et de toute pression traduisant le rapport de force structurellement déséquilibré du secteur.

Ces entreprises constituent un atout majeur pour la France. Néanmoins, la fragilité de plusieurs de ces grands industriels est bien connue de vos services, qui reçoivent les livres comptables des entreprises dans le cadre de plans de sauvegarde de l’emploi. L’Ilec travaille à une étude détaillée avec EY au sujet des risques pour la pérennité de ces sites en France.

Nous souhaiterions vous faire part des informations à notre disposition, qui vous donneront un panorama aussi précis et réaliste que possible de ce qui peut légitimement être attendu des différents opérateurs économiques dans les prochains mois, pour atténuer les effets de l’inflation sur les consommateurs, en particulier les plus précaires.

Sans entrer dans trop de détails dans le cadre de ce courrier, ces éléments sont de plusieurs ordres.

Tout d’abord, nous souhaiterions clarifier les raisons qui nous paraissent interdire une comparaison entre la situation actuelle et celle qui avait conduit à une réouverture généralisée des négociations en 2022, à la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine. Des retournements de tendances sur les cours de matières première agricoles ou industrielles peuvent parfaitement légitimer des renégociations ciblées, comme vous le soulignez dans votre courrier, mais en aucun cas une seconde vague généralisée de négociations appelée par certains.

Dans le contexte actuel, la loi Égalim 2 a prévu la réponse la plus adaptée qui soit à la problématique que vous abordez : l’application des clauses de révision et de renégociation, lesquelles ont l’immense mérite de fonctionner de manière symétrique à la hausse comme à la baisse, de régler pratiquement, sereinement et sans risque de discrimination les variations de cours importantes postérieures à la signature des accords annuels, et de restaurer ainsi la confiance qui fait défaut entre les acteurs et qu’avec justesse vous appelez de vos vœux dans votre courrier. De nombreuses situations existent où ces clauses ont fait la preuve de leur efficacité. À l’ère des algorithmes, de l’intelligence artificielle et de la blockchain, il nous semble qu’un travail de fond peut être mené promptement afin de rendre ces clauses systématiquement opérationnelles. Dès aujourd’hui et pour les années à venir.

C’était l’un des objectifs poursuivis par l’Ilec dans le cadre des discussions lancées le 28 février 2022 à l’initiative des ministres de l’Agriculture et de l’Industrie sous l’égide de la Médiation des entreprises, dont les travaux n’ont pu être menés à leur terme, quand les représentants des enseignes de la distribution ont décidé, en octobre dernier, de ne plus y contribuer.

Il nous paraît également utile de rappeler le rôle des différents acteurs, même s’il vous est familier : les distributeurs fixent seuls les prix de vente aux consommateurs; et ces prix sont parfois décorrélés, dans le niveau de leur variation et dans le temps, des prix d’achat aux industriels. Ainsi, la hausse des prix de vente aux consommateurs des marques nationales de 14,7 % observée par les panels à la fin du mois de mars 2023, en comparaison avec mars 2022, ne signifie aucunement que les prix d’achat des distributeurs à leurs fournisseurs ont augmenté dans les mêmes proportions, ni au même rythme.(À cet égard, les résultats des négociations annuelles 2023 entre les enseignes et leurs fournisseurs ne sont pas encore connus, ils le seront dans les tout prochains jours.)

Par ailleurs, nous souhaitons vous assurer de notre accord total sur l’importance de la symétrie que vous évoquez : il ne peut y avoir de renégociation que s’il y a eu une première négociation, que sur ce qui dans le tarif du fournisseur a fait l’objet de cette première négociation, avec les seules enseignes qui l’ont acceptée et selon un rythme et des délais d’application comparables.

Indépendamment des principes légaux, contractuels ou de strict bon sens qui précédent, il est impossible d’imaginer que des marques qui ont près de cent ans de moyenne d’âge peuvent avoir conservé la loyauté de générations successives de consommateurs sans avoir été en mesure de s’adapter et de répondre à leurs exigences. Nous partageons avec la distribution le souci de servir des consommateurs, qui décident in fine d’acheter ou non une marque, de fréquenter ou non un magasin. L’inflation que nous connaissons menace particulièrement les marques nationales, par nature plus chères que les marques de distributeur ; elle a déjà commencé à faire décroître, parfois sensiblement, leurs volumes de ventes. Que des baisses de cours justifient ou non de renégocier le prix annuel convenu, il est cohérent de considérer que chaque entreprise dont la santé et les perspectives financières le permettront saisira toute opportunité de restituer du pouvoir d’achat à ses consommateurs

L’entretien que nous souhaiterions avoir avec vous serait également l’occasion d’évoquer les moyens de réduire les tensions dans la chaîne d’approvisionnement, et de relancer un cycle de création de valeur bénéfique à tous. Les grands industriels n’ont eu accès à presque aucune aide de l’État en matière énergétique, ce qui a nui à leur capacité de contenir autant qu’ils l’auraient souhaité leurs tarifs et les prix de cession discutés dans le cadre des négociations annuelles, (cf. lettre commune FNSEA, Perifem, Coop, Feef, Ania du 26 octobre 2022 (lien)). Nos adhérents sont activement engagés dans des initiatives visant à la décarbonation de leurs activités, à la circularité des emballages ou à l’optimisation de la gestion de l’eau ; ces projets indispensables, mais aussi très lourds en investissements, nécessiteront un accompagnement de l’État.

Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, Madame la Ministre, à l’expression de ma très haute considération. »

 

Ilec

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